n° 34
2016

R  E  V  U  E     I  N  T  E  R  N  A  T  I  O  N  A  L  E    
D  E     P  O  E  S  I  E     E  T     A  R  T     V  I  S  U  E  L
L  a    t  r  a  d  u  c  t  i  è  r  e
revue La Traductière, no 34, 2016


N E X U S
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DOMAINE ROUMAIN.
                        RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE
La poésie est, avant tout, une histoire de griffe. Et des griffes, il y en a 10 dans les pages de ce dossier. Aisément reconnaissables et des plus acérées. De par leur nature même, elles laissent des traces profondes qui délimitent un espace et en aiguisent les traits poétiques. L’espace en question est celui de la poésie roumaine écrite aujourd’hui en République de Moldavie, dont ce dossier se propose de dresser l’état des lieux. Les traits essentiels : force isodynamique et remarquable diversité. Cela va de soi, étant donné qu’il s’agit de griffes. Leurs possesseurs, les voici : Leo Butnaru, Arcadie Suceveanu, Mircea V. Ciobanu, Teo Chiriac, Grigore Chiper, Nicolae Spataru, Emilian Galaicu-Paun, Dumitru Crudu, Moni Stanila et Alexandru Vakulovski. 10 auteurs incontournables à même de raccorder enfin la République de Moldavie à la sphère littéraire internationale. Le médium de ce raccordement est, bien entendu, la traduction. Aussi vous inviterai-je sans tarder à découvrir le premier dossier consacré à la poésie contemporaine de la République de Moldavie qui soit publié en français depuis le commencement de ce XXIe siècle. Mais avant, je dirai seulement que la griffe n’est qu’une aile reconfigurée.
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D O M A I N E   R O U M A I N.

    R É P U B L I Q U E   D E   M O L D A V I E
Leo Butnaru
Leo Butnaru, né en 1949 en République de Moldavie, est l’auteur de dix-sept recueils de poèmes, ainsi que de nombreux ouvrages en prose, essais et livres pour la jeunesse. Il a également publié neuf anthologies qui réunissent ses œuvres poétiques. Parmi les distinctions littéraires qu’il s’est vu décerner, figurent le Prix de l’Union des écrivains de Roumanie (1998), le Prix national de la République de Moldavie (2002) et le Prix de l’Union des écrivains de Moldavie, lequel lui a été accordé à plusieurs reprises. Ses livres sont traduits en français, russe, bulgare, espagnol et tatar.
Passionné par les avant-gardes russes et ukrainiennes, il a traduit plusieurs anthologies qui leur sont consacrées.

Après avoir longtemps travaillé dans la presse, en tant que rédacteur ou rédacteur en chef de plusieurs journaux ou revues, il a été vice-président, entre 1990 et 1993, de l’Union des écrivains de Moldavie. Actuellement, il préside la Filiale de Chisinau de l’Union des écrivains de Roumanie.
Arcadie Suceveanu
Né en 1952 en Bucovine, Arcadie Suceveanu vit depuis de nombreuses années à Chisinau. Son œuvre est riche de onze recueils de poèmes, cinq anthologies poétiques personnelles,  deux  essais  et
Teo Chiriac
Teo Chiriac, né en 1956 en République de Moldavie, est poète et journaliste. Il est l’auteur de cinq recueils de poèmes : Devoir sur table (1987), Le salon 33 (1989), La critique de l’irrationalité pure (Prix de l’Union des écrivains de Moldavie 1996), Le monstre sacré. Les échelles de Teo (Prix de l’Union des écrivains de Moldavie 2009) et Ciel contre ciel (2011). Ses poèmes sont traduits en français, italien, allemand, néerlandais, hongrois, bulgare, russe et macédonien.
Il a été, à tour de rôle, coordinateur de la programmation de la Radio nationale de la République de Moldavie (1979-1985), responsable d’édition pour la maison Hypérion (1985-1993) et représentant de l’Union des écrivains de Roumanie dans le cadre de la Filiale de Chisinau de cette dernière. À présent, Teo Chiriac est vice-président de l’Union des écrivains de Moldavie.
Grigore Chiper
Grigore Chiper, né en 1959 en République de Moldavie, est l’auteur de six livres de poésie, de deux recueils de nouvelles et de plusieurs ouvrages critiques. En 1997, son recueil de poèmes La période bleue se voit décerner le Prix de l’Union latine (Paris), de la Fondation cultu-relle roumaine (Bucarest) et de l’Union des écrivains de Moldavie. Cette dernière distinction lui est également accordée pour le recueil de nouvelles Le violoncelle et autres voix (2000) et l’étude critique La poésie bessarabienne de la génération 80. Changement de paradigme (2013).
Docteur ès lettres, Grigore Chiper est maître de conférences à l’Uni-versité de Tiraspol. Il collabore aussi, en tant que rédacteur associé, avec la revue Contrefort.
Nicolae Spataru
Emilian Galaicu-Paun, né en 1964 en République de Moldavie, est poète, romancier, traducteur et éditeur. Il a publié cinq recueils de poèmes - Sa propre lumière (1986), Abécé-Dor (cf. p. 154, 1989), Lévitations au-dessus de l’abîme (1991), L’Homme battu porte l’Homme qui n’a pas été battu (Prix spécial de l’Union des écrivains de Roumanie et Prix de l’Union des écrivains de Moldavie 1994), Yin Time. Néantologie (2004) et Armes parlantes (2009) -, de même que trois anthologies poétiques personnelles. Parmi ses publications figurent également les romans Gestes. La trilogie du rien (Prix de l’Union des écrivains de Moldavie 1996, 2004) et Tissu vivant. 10 x 10 (2011), ainsi que l’essai La poésie après la poésie. La dernière décennie (Prix de l’Union des écrivains de Moldavie) et sept ouvrages traduits du français. Emilian Galaicu-Paun est responsable d’édition pour la maison Cartier à Chisinau.
En 2014, il a été nommé officier dans l’Ordre du mérite culturel.
Dumitru Crudu
Dumitru Crudu est né en 1967 en République de Moldavie. Il est l’auteur de cinq recueils de poèmes : Le faux Dimitrie (1994), C’est fermé nous vous prions de ne pas insister (1994), Six chansons pour ceux qui souhaitent louer des apparts (1996), Les cris sous l’eau (2015) et Au revoir, père (2015). En parallèle, il publie du théâtre - Crime sanglant dans la station des violettes (2001), Sauvez Boston (2001), Le duel et autres textes (2004), L’étoile sans… Mihail Sebastian (2006), La vieille qui avait onze ans (2015) - et des romans - Massacre en Géorgie (2008), Les gens de Chisinau (2012) et Un Américain à Chisinau (Prix de la Filiale de Chisinau de l’Union des écrivains de Roumanie 2013). Ses écrits ont été traduits en neuf langues et ses pièces de théâtre ont été jouées à travers le monde entier.
Née en 1978 en Roumanie, Moni Stanila vit et travaille à Chisinau. Après avoir étudié et enseigné la théologie, elle décide de se consacrer entièrement à l’écriture.

Actuellement, elle est chroniqueuse dans la presse écrite et dirige le cénacle littéraire « La République » de la Bibliothèque nationale de la République de Moldavie.

Moni Stanila est l’auteur des recueils Postoi parovoz Les confessions d’une dogmatiste (2009), Sagarmatha (2012) - lesquels ont tous les deux reçu le Prix de poésie du Ministère de la culture de la République de Moldavie - et La colonie de l’usine (2015). Elle a également publié un journal intitulé Iconostase (2007) et un roman, Le 4e (2013).
Moni Stanila
poèmes en français
Alexandru Vakulovski
Alexandru Vakulovski est né en 1978 en République de Moldavie. Il est l’auteur de quatre recueils de poèmes : Œdipe, le roi de la mère de Freud (2002), TU (coécrit avec son frère, Mihail Vakulovski, 2002), ecstasy (2005) et Brûlez les livres (2012). Parallèlement, il a publié la pièce de théâtre La cassure (2002) et quatre romans - Pizdet (cf. p. 184, 2002), Letopizdet. Des cactus blancs pour ma bien-aimée (cf. p. 184, 2004), Bong (2007), 157 marches pour rejoindre l’enfer ou Sauvez-moi à Rosia Montana (cf. p. 184, 2010).

Ses deux premiers romans, aux titres provocateurs, ont eu un grand écho en Roumanie. Alexandru Vakulovski est également chroniqueur dans la presse écrite, scénariste, traducteur de littérature russe et rédacteur-fondateur de la revue numérique TIUK!

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34 / 2016



7 :
éDITO
                par Linda Maria Baros

9 : STREAMING URBAIN
    La ville, son armature calcifiée
                11 : Françoise Hàn (France)
                14 : Max Alhau (France)
                17 : Hughes Labrusse (France)
                20 : Brigitte Gyr (Suisse / France)
                23 : Denise Desautels (Québec)
                26 : Jacques Rancourt (Québec / France)
                29 : Jeanine Baude (France)
                32 : Shizue Ogawa (Japon)
                36 : Yolande Villemaire (Québec)
                39 : Tim Holm (États-Unis / France)
                42 : Cécile Oumhani (France)
                45 : Marlena Braester (Roumanie / Israël)
                48 : Aleš Debeljak (Slovénie)
                52 : Maram al-Masri (Syrie / France)
                55 : Anne Talvaz (France)
                58 : Shuhrid Shahidullah (Bangladesh)

61 : EUROPOETRY 21
               63 : Cédric Le Penven (France)
               67 : Dorta Jagic (Croatie)
               72 : Ivan Hristov (Bulgarie)

77 : DOMAINE ROUMAIN.
                        RÉPUBLIQUE DE MOLDAVIE

                 79 : Nexus
                                 par Linda Maria Baros
                 81 : La poésie en République de Moldavie :  
                         portrait en mouvement
                                 par Arcadie Suceveanu
                 85 : Leo Butnaru
                 95 : Arcadie Suceveanu
               105 : Mircea V. Ciobanu
               115 : Teo Chiriac
               125 : Grigore Chiper
               135 : Nicolae Spataru
               145 : Emilian Galaicu-Paun
               155 : Dumitru Crudu
               165 : Moni Stanila
               175 : Alexandru Vakulovski

185 :
FORCE PORTANTE
               187 : Guillaume Decourt
                         Frédéric Musso : Le Soleil et la Source
               189 : Jean-François Sené
                         Vlada Urosevic : Une autre ville
               191 : Jacques Rancourt
                         Leap

195 :
IMAGE GENERATION
...............................................................................



revue
L a    T  r  a  d  u  c  t  i  è  r  e   
          34 / 2016
LIRE :

L  A      T  R  A  D  U  C  T  I  È  R  E

     
34 / 2016

Streaming urbain
   La ville, son armature calcifiée

EuroPoetry 21 - les poètes
               Cédric Le Penven (France)
               Dorta Jagic (Croatie)
               Ivan Hristov (Bulgarie)

Domaine roumain. République de Moldavie
               La poésie en République de Moldavie
                             par Arcadie Suceveanu
             
Force portante
                Guillaume Decourt
                Jean-François Sené
                Jacques Rancourt

Image Generation

Nicolae Spataru, né en 1961 en Bucovine, vit à Chisinau, où il travaille, en qualité de directeur du département des Programmes, projets et relations publiques, pour l’Union des écrivains de Moldavie. Il est l’auteur de six recueils de poèmes : Le retour des dieux (Prix du premier recueil du Salon national du livre de Chisinau, 1992), Ion et autres révolutions (1996), La nuit où les piédestaux recrutent leurs nouvelles gloires (Prix de la Fondation culturelle roumaine, Bucarest, et Prix de l’Union des écrivains de Moldavie 1998), La tristesse récite du Rilke (2000), Lire le mur (2013) et Brèves insomnies de l’Europe (2013). Ses poèmes sont traduits en français, anglais, espagnol, allemand, néerlandais, russe, hongrois, tchèque, ukrainien et tatar. Nicolae Spataru a également publié trois livres pour la jeunesse et l’ouvrage La révolte des clones (2013) qui regroupe certains de ses articles parus dans la presse.
Emilian
Galaicu-Paun
                                     revue La Traductière
  revue internationale de poésie et art visuel
| international
                                                                         review of poetry and visual art
                                     30 Poètes d'aujourd'hui autour du monde
                                     © 2014 - 2016  conception graphique  Linda  Maria  Baros
.

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Linda Maria Baros
                                          
présente le dossier de poésie


Domaine roumain.
République
de Moldavie



choix de poèmes, traduction et
présentation des auteurs par
Linda Maria Baros


préface par
Arcadie Suceveanu




Dossier traduit et publié avec le soutien
de l’Institut culturel roumain de Bucarest
La poésie en République de Moldavie :
                                         portrait en mouvement
                             
                                           
       par Arcadie Suceveanu


Après l’occupation et l’intégration à l’URSS de la Bessarabie et du nord de la Bucovine (territoires roumains partagés aujourd’hui entre la République de Moldavie – deux tiers de la Bessarabie – et l’Ukraine), la littérature se voit arrachée en 1944 à sa matrice. À la littérature roumaine. Forcée à se développer dans un milieu entièrement idéologisé et dans un environnement linguistique déformé, à la I. D. Ceban, l’artisan d’une langue nouvelle, « moldave », la poésie se heurte aux canons du Proletkult et du réalisme socialiste. C’est l’époque délirante du pathos glorificateur, des slogans faciles et des thèmes « majeurs », « à l’ordre du jour ». Les collections de poésie publiées par les maisons d’édition ainsi que les manuels scolaires sont envahis par des cascades de poèmes lyrico-épiques à même de composer
« La Léniniade moldave » ou encore par des poèmes dans les-quels le parti et le peuple s’aiment ardemment à des dates fixes : le 1er mai, le 28 juin, le 7 novembre, etc. Engagés à la fois politiquement et socialement, les auteurs cultivent alors avec faste et dévotion l’optimisme et le patriotisme soviétiques de parade, l’éternelle haine contre l’ennemi de classe et, au niveau stylistique, la gesticulation rhétorico-discursive ou la prosodie la plus simpliste accessible aux « masses ». À travers la littérature, l’on entend résonner les mécanismes assourdissants du réalisme socialiste et de la camelote idéologique qui produisent une cacophonie lyrique généralisée.
Rares sont les poètes qui arrivent à se soustraire aux mots d’ordre de l’époque. Et plus rares encore sont ceux qui publient des œuvres non compromises d’un point de vue esthétique. Leurs noms – George Meniuc, Nicolai Costenco, Aureliu Busuioc, Paul Mihnea, Valentin Rosca, Vasile Levitchi – sont dignes de toute l’attention des lecteurs d’aujourd’hui.
Au milieu de la sixième décennie, à la faveur du dégel de
Khrouchtchev, s’impose une nouvelle génération poétique : la génération 60. Ses membres – Grigore Vieru, Liviu Damian, Anatol Codru, Ion Vatamanu, Gheorghe Voda, Victor Teleuca, Nicolae Esinencu – visent la réhabilitation esthétique de l’acte créateur et la récupération de la conscience nationale. En niant les normes dogmatiques en vigueur, leur écriture est synonyme d’effort novateur et se situe donc, d’une certaine façon, au-dessus du régime. Le changement de vision se présente, au début, comme un processus lent qui ne préconise pas de renversements spectaculaires. Cependant, à partir de 1968, il est de plus en plus prégnant ; il fend la carcasse du réalisme socialiste, se substantialise et devient irréversible. En imposant le vers libre et en se réinscrivant dans la lignée de la littérature roumaine, les poètes de cette génération réformatrice sont en consonance avec les auteurs vivant de l’autre côté du Prout, tels que Nichita Stanescu, Cezar Baltag ou Ana Blandiana.
Arrive ensuite la génération 70 qui s’ouvre aux symboles religieux et mythologiques, tout en conjuguant éléments éthiques, identitaires et esthétiques. La force de la poésie de Vasile Roman-ciuc, Ion Hadârca, Nicolae Dabija, Leonida Lari, Marcela Benea, Iulian Filip réside dans la capacité de rendre l’essence de l’esprit autochtone à travers un langage métaphorique saisissant. C’est, avant toute chose, une poésie qui fait valoir sa fonction phatique : elle livre « des leçons d’âme » simultanément sublimes et dramatiques.

Après le démembrement de l’Empire rouge, les repré-sentants de cette génération s’impliquent dans la vie politique et font descendre la poésie dans la rue, dans sa réalité brutale. Leurs poèmes imprégnés de sarcasme et de pathos disent l’état d’esprit propre aux années de la « restructuration » de
Gorbatchev, ainsi que la liberté retrouvée. La tragédie vécue par la Bessarabie y est fortement présente.
L’air fort de la démocratie encourage les esprits poétiques non conformistes à se raccorder immédiatement après 1990 aussi bien à la poésie roumaine qu’à la poésie européenne. En 1994, paraît la revue des jeunes écrivains de l’époque, Contrefort, qui promeut de manière soutenue la déprovincialisation et le changement de paradigme poétique. Un an plus tard, est publiée l’anthologie Portrait de groupe (Eugen Lungu éd.), qui se propose de donner à voir aux lecteurs « une autre image de la poésie bessarabienne ». C’est dans ce contexte que surgit un nouveau mouvement qui, en adoptant la poétique de la « textistence », en ayant recours à l’ironie ou au ludique et en utilisant un langage amplement dénotatif, souhaite s’identifier à la génération roumaine
des années 80. Leo Butnaru, Teo Chiriac, Grigore Chiper, Nicolae Spataru, Emilian Galaicu-Paun, Vasile Gârnet, Eugen Cioclea, Nicolae Popa, Valeriu Matei, Irina Nechit, Nicolae Leahu, ainsi que moi-même, nous nous inscrivons dans ce sillage.
Numéro publié avec le soutien de
l’Institut culturel roumain de Bucarest (Institutul Cultural Român –
www.icr.ro)
La conscience du monde et de l’histoire, la mise à nu de la crise morale, le destin de la Bessarabie d’aujourd’hui vibrent d’un bout à l’autre des poèmes écrits par les auteurs susmentionnés, poèmes qui disent l’absurdité et les paradoxes de nos « temps finséculaires », pour citer Leo Butnaru. Articulé par la mémoire culturelle, le texte naît toujours du texte, bien qu’il englobe, en égale mesure, le réel, l’onirique et des « tranches » de vécu. Il en résulte une poésie textistentialiste d’ordre livresque, laquelle établit un juste équilibre entre « la vie lue et la vie vécue ».
Les poètes qui s’affirment autour de l’année 2000 s’orien-tent, quant à eux, vers un nouveau type d’« authenticité » littéraire. En 2009, Dumitru Crudu publie La nouvelle poésie bessarabienne, anthologie qui souligne cette tendance, en présentant des poètes comme Alexandru Vakulovski, Aurelia Borzin, Liliana Armasu, Ana Rapcea, Aurelia Cojocaru, Dan Nicu, Sandu Cosmescu, Radmila Popovici, Marin Gherman. D’autres noms qui annoncent l’entrée en arène de la jeune vague peuvent également être cités : Diana Iepure, Paula Erizeanu, Corina Ajder, Adrian Gavriliuc, Tania Dumbrava, Ecaterina Bargan, Ion Buzu ou Dumitrita Parfentie. Ces auteurs se distinguent par la recherche de l’authenticité, par la désacralisation du réel et par une poésie des sens, du scepticisme ou du cynisme. Vivant dans un monde rugueux et en déroute, ils utilisent un langage dur, syncopé.
Le dossier que vous allez découvrir met en avant dix poètes représentatifs d’aujourd’hui qui font partie, pris individuellement ou dans l’ensemble, du paradigme de la poésie postmoderne. Bien que très différents du point de vue de leur vision et de leur style, ils configurent un tout unitaire qui dévoile le relief axiologique de la poésie écrite en République de Moldavie au début de ce nouveau millénaire. Il s’agit d’une image dynamique, d’une actualité poétique en mouvement qui présente des noms consacrés et impose de nouveaux repères littéraires.

*
  Courant soviétique qui vise, d’une part, l’annihilation de toute forme d’expression culturelle autre que prolétarienne et, d’autre part, la production d’œuvres à même de refléter strictement « les réalisations de l’époque d’or » apportée par le communisme (ndt).
**  Le 28 juin, l’on « fêtait » l’occupation soviétique et, le 7 novembre, la Révolution russe de 1917 (ndt).
*** 
De l’autre côté de cette rivière, il y a la Roumanie (ndt).
Mircea V. Ciobanu
Mircea V. Ciobanu, né en 1956 en République de Moldavie, est poète, dramaturge et critique littéraire. Après avoir été professeur de lycée et lecteur à l’Université Alecu Russo et à l’Université d’État de Moldavie, il travaille actuellement en tant que responsable d’édition pour la maison La science à Chisinau. Il a publié huit ouvrages, dont les plus récents : L’après-midi d’un faune (théâtre, 2013), Les désillusions nécessaires (critique littéraire, 2013), Traité de littérature (critique littéraire, 2015), Hayden entre deux klaxons (poésie, 1995, rééd. 2015). Ses poèmes sont présents dans plusieurs anthologies, telles que Une anthologie de la poésie moldave (traduction par Odile Serre et Alain Paruit, L’Esprit des Péninsules, Paris, 1996), Ars amandi (Bucarest, 1999) ou Portrait de groupe. Après 20 ans (Chisinau, 2015). Mircea V. Ciobanu est également l’auteur de plusieurs manuels scolaires de littérature.
seize livres pour la jeunesse. Parmi ses publications les plus récentes, on peut notamment citer les ouvrages 101 poèmes (2010), Êtres, ombres, épiphanies (2011), Le temps du Lion orange (2012) et Fenêtres éteintes par les anges (2014). Ses poèmes sont traduits en français, italien, suédois, macédonien, russe, ukrainien et turc.

Arcadie Suceveanu s’est vu décerner à cinq reprises le Prix de l’Union des écrivains de Moldavie. Il a également reçu le Prix de l’Académie roumaine (1997), le Prix National de la République de Moldavie (1998) et le Prix de l’Union des écrivains de Roumanie (2015).
Après avoir été, pendant dix ans, le vice-président de l’Union des écrivains de Moldavie, il devient en 2010 le président de cette institution. En 2012, il se voit accorder l’Ordre d’honneur de son pays.
Festival Poésie Poetry Paris 2016